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Les leçons à tirer de la faillite des «deux tiers»

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La faillite des deux tiers, qui a eu lieu sous le Directoire à la fin du XVIIIe siècle, est la dernière banqueroute de l’Histoire de France. Alors que la période actuelle est marquée par le niveau inquiétant de notre dette, cet épisode nous rappelle ce qu’il est bon de faire, et de ne pas faire, en matière de finances publiques.

Dominique-Vincent Ramel de Nogaret peint en 1820 par Jacques-Louis David

Le 30 septembre 1797, ou an VI de la République, le ministre des Finances du Directoire, Dominique-Vincent Ramel, décide de fermer le marché des titres publics et de faire voter une loi de finances qui annule les deux tiers de la dette de l’État, d’où le nom de faillite des « deux tiers ».

Le cocktail déficit et inflation : comment l’Histoire se répète

Le Directoire, instauré en 1795, hérite d’un très lourd fardeau : l’endettement de l’administration royale et celui de la Révolution.

Car, à partir du XVIIe siècle, la France laisse dériver ses comptes publics, dans un contexte de guerres qu’il faut financer. Le colbertisme en est une illustration. Des tentatives éphémères de politique de rigueur budgétaire se succèdent, notamment avec le ministère de Turgot. A cette dette publique qui s’emballe s’ajoute la montée de l’inflation à partir de la Révolution.

Lors de l’instauration de la République, les finances publiques sont dans un état pitoyable, avec une dette publique estimée entre 4 et 5 milliards de livres et un budget consacré pour moitié au remboursement de la dette. A la recherche de liquidités et à l’initiative de Talleyrand, l’Assemblée constituante décide de confisquer les biens du clergé qui, pesant plus de 2 milliards de livres, seront apportés au patrimoine national. Cette opération va donner une bouffée d’oxygène temporaire aux finances publiques.

Dans le même temps, un nouveau type de placement, qui utilise une forme rudimentaire de titrisation, est créé : l’assignat, titre d’emprunt émis par le Trésor dont la valeur est assignée – autrement dit, indexée – sur les biens du clergé. L’assignat devient même une véritable monnaie en 1791. L’État, pour renflouer ses caisses, émet alors massivement des assignats et fait ainsi tourner la planche à billets. Il émet plus de titres que la valeur des biens nationaux.

Résultat : les assignats ne cessent de se déprécier et alimentent une inflation galopante.

En 1796, le Directoire met fin à ce système, après avoir tenté d’encadrer la spéculation, en brûlant solennellement les planches à billets place Vendôme. Mais les dégâts sont là : le papier-monnaie, qui les remplace, s’effondre à son tour.

Un coup d’État peut en cacher un autre

Le 30 septembre 1797, Dominique-Vincent Ramel, ministre des Finances du Directoire, procède à la fermeture du marché des obligations d’État et fait voter la loi qui annule les deux tiers de la dette publique. Cette banqueroute, combinée à des guerres sur plusieurs fronts, provoquera la chute de ce régime après le coup d’État du 18 brumaire de Napoléon Bonaparte. Et il faudra attendre la Restauration pour que la France retrouve son crédit et lance à nouveau un grand emprunt.

Le déficit est-il une fatalité française ?

Après cet épisode malheureux, la France devient un bon élève, honorant scrupuleusement ses dettes. Pour preuve, elle rembourse à l’Allemagne la totalité des réparations de la guerre de 1870. Au XXe siècle, malgré deux conflits et une tendance au dérapage des comptes publics, elle parvient à faire face au fardeau de la dette – à l’inverse de l’Allemagne. A partir de 1958, la rigueur est de retour, incarnée par la figure austère d’Antoine Pinay, ministre des Finances. En 1980, l’ensemble des finances publiques est à l’équilibre budgétaire. Toutefois, en 1981, la politique de relance qui est menée par Pierre Mauroy enclenche un cercle vicieux d’augmentation du déficit et de la dette publique (20% du PIB) qui ne s’interrompra pas. En 2010, la dette publique atteint 80% du PIB !

Ce que nous a appris cet épisode

La faillite des deux tiers est riche d’enseignements pour l’investisseur et le contribuable que vous êtes. Tout d’abord, elle préfigure les restructurations de dettes qui ont permis aux pays émergents de sortir de l’ornière économique. En effet, un vaste mouvement de consolidation de la dette s’amorce dans le sillage de la crise mexicaine de 1982 : il touchera par la suite toute l’Amérique latine (à l’exception de la Colombie), l’Afrique, une partie de l’Asie et la moitié de l’Europe de l’Est.

La communauté internationale a assuré la capacité du remboursement des échéances, mais au prix d’une annulation partielle de la dette. Ensuite, elle démontre que la réduction de la dette par l’inflation, c’est-à-dire le remboursement en « monnaie de singe », reste une option très périlleuse. Enfin, toute velléité de lutte contre la dette sans réforme de l’État est une politique incontestablement vouée à l’échec.

Money Week


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